Se reconnecter à soi

– Denis St-Pierre

L’adolescence, une période de « crise »

Communément situé entre 12 et 19 ans, ce passage délicat entre l’enfance et l’âge adulte que représente l’adolescence est souvent réduit à la fameuse « crise d’adolescence ». Synonyme de rébellion et de rejet de l’autorité parentale, cette dernière est généralement considérée comme un passage obligé et temporaire dont la plupart des adolescents sortiront indemnes.

On en oublie facilement que durant cette période l’adolescent traverse de multiples bouleversements psychiques, affectifs, cognitifs et sociaux, auxquels viennent s’ajouter de grandes transformations physiques, physiologiques et hormonales. Tous ces changements peuvent, pour certains d’entre eux, s’avérer difficiles à assumer, provoquer des angoisses et générer des comportements pouvant aller de déconcertants à inadmissibles aux yeux de leurs parents et de leur entourage qui ne les reconnaissent plus et n’arrivent plus à communiquer avec eux.

C’est le moment où les conflits et l’incompréhension commencent à apparaître, menant parfois à des impasses, à un sentiment d’impuissance et/ou de découragement chez les parents et à une souffrance intense chez l’adolescent. Il est alors important qu’il puisse être entendu et écouté par une personne neutre et bienveillante qui saura l'aider à mettre des mots sur ses ressentis et ses pensées.

Les parents ont souvent beaucoup de mal à distinguer ce qui relève du processus normal de l’adolescence d’une véritable problématique ancrée. Les signaux d’alarme qu’il ne faut pas banaliser sont tous les comportements inquiétants qui s’installent dans la durée. Cependant, qu’il s’agisse d’une souffrance transitoire ou plus profonde, une aide extérieure peut permettre à l’adolescent de sortir de cet état de crise et de dénouer ce qui se joue pour lui.

La demande d’accompagnement

Le plus souvent la demande émane des parents inquiets pour leur ado ou bien d’un membre de la famille, mais de plus en plus fréquemment et malgré les idées reçues, il arrive aussi que l’adolescent en soit lui-même l’initiateur. Dans un cas comme dans l’autre, tant que l’adolescent est d’accord pour se faire aider, un travail sera possible avec sa participation active et je pourrai le recevoir pour un accompagnement ponctuel ou pour des entretiens réguliers (selon sa problématique).

En revanche, l’adolescent peut également refuser une aide extérieure. Dans ce cas je suggère aux parents de lui proposer d’assister à un unique entretien, afin qu’il puisse s’en faire sa propre idée, et aussi de lui faire part du principe fondamental de confidentialité auquel je suis tenue par mon code de déontologie, principe selon lequel tout ce qui sera dit lors de nos entretiens restera strictement confidentiel entre lui et moi. Il est possible qu’il se sente rassuré de savoir que son intimité sera protégée et qu’il accepte alors d’assister à une séance, que cela suscite sa réflexion et qu’il trouve un intérêt à continuer. Une étape est franchie dès lors que le processus est amorcé.

Si la relation entre les parents et l’adolescent est tellement conflictuelle que la communication est rompue et qu’il s’oppose catégoriquement à tout suivi, je leur recommande de passer par une tierce personne, plus neutre (médecin, ami, autre membre de la famille avec lequel il s’entend bien…), pour l’amener à consulter. Je peux également proposer aux parents quelques séances pour eux-mêmes afin de comprendre la situation et réfléchir à des moyens de l’améliorer pour aider leur adolescent à aller mieux. Parfois, ces échanges suffisent à les rassurer et leur permettent de prendre conscience de ce qui échappe à leur compréhension et des possibilités qui s’offrent à eux pour amorcer des changements.

La durée et le déroulement des entretiens

Les entretiens durent en moyenne 1 heure.

Lors du 1er entretien je demande à ce que les deux parents soient présents. Toutefois pour les grands adolescents il est possible, avec l’accord des parents, qu’il vienne consulter seul dès la 1ère séance. Si la présence des deux parents n’est pas possible, l’entretien peut avoir lieu avec uniquement l’un d’entre eux, cependant il est impératif que les 2 parents soient d’accords pour que leur adolescent soit suivi. Cet entretien a pour objectif de poser la ou les problématiques rencontrées par l’adolescent à la fois du point de vue des parents et du sien. Chacun est donc invité à s’exprimer afin de mieux appréhender ce que chacun vit au sein de la cellule familiale.

À partir du 2e entretien, la présence des parents n’est plus requise, cependant ils pourront, s’ils le souhaitent, être informés de l’évolution du suivi, le contenu des entretiens restant cependant soumis à la confidentialité définie par le code de déontologie de la FF2P. L’espace de parole est dès lors totalement dédié à l’adolescent et je l’invite à me parler très librement. Tous les sujets sans restriction peuvent être abordés. La plupart du temps, c’est la première fois qu’il a la possibilité de parler de ses ressentis et de son vécu à un adulte autre que ses parents, ce qui lui permet de se sentir considéré et entendu.

Ces deux premiers entretiens permettent à l’adolescent de vérifier s’il se sent suffisamment à l’aise pour se livrer et évoquer des sujets intimes avec moi. Parfois ils peuvent déjà engendrer certaines prises de consciences et changements de comportements.

Le 3e entretien est un temps de réflexion et de questionnement quant à la suite du suivi. Ce temps est nécessaire afin que l’adolescent puisse s’approprier son accompagnement et qu’il lui soit utile. Sans alliance thérapeutique et sans sa collaboration active aucun travail ne pourra être mené. S’il décide de ne pas poursuivre, j’en informe ses parents et je leur propose une dernière séance de bilan tous ensembles. S’il choisit de s’engager dans un travail de développement personnel ou de thérapie brève nous définissons ensemble la périodicité des futurs entretiens en fonction de ce qu’il souhaite et de sa problématique.

 

Les motifs d’accompagnement

Voici une liste non-exhaustive des motifs les plus courants d’accompagnement chez l’adolescent :

  • En lien avec la scolarité :
    - échec scolaire,
    - effondrement des notes,
    - phobie scolaire,
    - problèmes de discipline,
    - isolement (absence de vie sociale, d’amis)…

    Tout ce qui constitue une rupture avec le milieu scolaire est un signe à prendre en compte.

  • En lien avec la famille :
    - relations conflictuelles répétitives (agressivité ou violence verbale ou physique) avec ses proches,
    - séparation des parents,
    - difficulté à se séparer de ses parents…

  • Haut potentiel intellectuel (HPI) ou émotionnel (HPE).

  • Questionnements métaphysiques envahissants.

  • Mauvaise image de soi, manque d’estime de soi, de confiance en soi, dévalorisation.

  • Peur de grandir, de l’avenir, d’entrer dans le monde des adultes.

  • Stress, angoisses, anxiété.

  • Plaintes somatiques répétées :
    - maux de têtes,
    - maux de ventre,
    - douleurs répétées…

  • Insomnies à répétition.

  • Dépression, mal-être général :
    - repli sur soi,
    - perte d’intérêt (désinvestissement au niveau social, scolaire, personnel),
    - troubles de l’humeur…

    Les symptômes de la dépression étant interprétés par l’entourage comme faisant partie de la crise d’adolescence, elle est difficile à identifier chez l’adolescent et passe souvent inaperçue.

  • Conduites à risque :
    - addictions (alcool, stupéfiants, sexe, jeux vidéos, nouvelles technologies…),
    - comportements violents ou agressifs envers les autres,
    - auto-agressivité (mise en danger de lui-même, scarification…).

  • Questionnements identitaires (sexualité…).

  • Séparation, deuil.

  • Maladie (de l’ado ou d’un proche).

  • Troubles obsessionnels compulsifs (T.O.C.) et rituels.

  • Troubles alimentaires (à distinguer des mauvaises conduites alimentaires) :
    - anorexie,
    - boulimie…